J’étais para en Algérie

« Livre 3: Notre vécu en Algérie »

(extraits)


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J’arrive à Philippeville en avril 1958, et je vais 14e R.C.P. à Aïn Beïda, au sud est de Constantine, vers la frontière tunisienne. Mon régiment, était un régiment d’intervention. Cela veut dire que nous étions constamment sur le terrain, soit en bouclage, soit en intervention lors des accrochages qui étaient fréquents dans tout le secteur. D’ailleurs, nous allions en diverses régions : dans le Constantinois, Souk-Ahras, Tebessa, et bien sûr à la frontière tunisienne, mais aussi à Batna, Sétif, en Petite et Grande Kabylie...

Ces opérations s’effectuaient en collaboration étroite avec les troupes de secteur et divers régiments, dont le 2e R.E.P. et autres Unités paras.

Il nous semble que les paras en Algérie, quel que soit le régiment, ont accompli du très bon travail. Nous avons fait notre devoir d’appelés. C’était un combat loyal entre soldats de deux armées. Aussi, sommes-nous stupéfaits d’entendre dire par un général à la retraite que les soldats ont commis là-bas des atrocités vis-à-vis des fellaghas ! Mais ce dernier oublie de dire que dans certains cas lorsqu’un para, et d’autres soldats, étaient pris par les rebelles, il n’était pas rare de les retrouver (quand on les retrouvait) morts et mutilés (nous n’osons pas dire dans quel état ils étaient).

Il ne faudrait pas exclure de notre raisonnement des actions menées par les fellaghas si l’on veut rechercher l’objectivité, et l’impartialité de la réalité. Ces derniers ont à leur actif pas mal de faits de guerre du genre ci-dessus décrits (réf : 1er chapitre de cet ouvrage). Toutes les guerres n’ont-t-elles pas une façade inhumaine ? Que l’on prenne la dimension politique, la guerre psychologique et les diverses atteintes aux droits de l’homme ? Ceci est aussi vrai de tous les temps, dans tous les pays et avec toutes les armées, ou les ethnies en présence. Ouvrons les yeux sur ce qui se passe en France et à travers le monde.

Les personnes qui sont restées derrière leur bureau peuvent-elles prétendre parler d’une guerre qu’elles ne connaissent pas ? Je les invite à se regarder devant une glace et à faire leur autocritique et à réfléchir avant de dire n’importe quoi. Il y aura toujours des personnes qui veulent se donner une bonne conscience. D’autres individus généralisent un peu vite, et d’une manière partiale, ou ne donnent qu’une vue fragmentaire d’une réalité beaucoup plus vaste et plus complexe. Nous pouvons ici, et trop souvent hélas, placer les médias dont la télévision.

Le Général de Bollardière ne disait-il pas que l’on voit mieux les vitraux d’une cathédrale de l’intérieur que de l’extérieur. Il en est de même pour la guerre d’Algérie. Ceux qui crapahutaient dans les djebels me paraissent plus habilités pour parler de notre vécu que ceux qui s’expriment sur nous d’après les ouï-dire !

Voilà des faits qui m’ont marqué. Heureusement que les régiments de paras constituent une grande famille et que leurs officiers supérieurs sont remarquables. En définitive, je suis heureux d’avoir servi au 14e R.C.P pendant 30 mois. Je fus démobilisé le 9 mars 1960.

Les photos se passent de longs commentaires. En définitive, dit un Para, après avoir sillonné : Souk-Ahras, Bizerte, Tlemcen, El Milia, Castiglione, l’Ouarsenis, Blida, et bien d’autres cieux algériens, après toutes ces peines endurées sur ce sol …si c’était à refaire, je repartirais chez les Paras. Nous formions une famille où régnait un esprit d’entraide et de solidarité.

Les paras payèrent cher leurs engagements dans les combats en Algérie. Exemple : tel régiment eut 193 tués, dont 10 officiers, 41 sous-officiers, 29 caporaux-chefs et 113 hommes du rang ; 172 au cours de combats, puis des morts par accidents d’armes à feu, et de la circulation. Il faut aussi ajouter aux pertes du régiment, les deux disparus du IV/18e R.I.P.C. en janvier 1956. La critique est facile, mais la réalité du terrain est tout autre !

Pour conclure un texte de Saint-Exupéry : «  Le soldat n’est pas un homme de violence, Il porte les armes et risque sa vie pour des fautes qui ne sont pas les siennes. Son mérite est d’aller sans faiblir au bout de sa parole en sachant qu’il est voué à l’oubli. »

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