Un brin de poésie

«SOLDATS DANS LA GUERRE D'ALGERIE »
(extraits)

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ALGÉRIE.
Une guerre sans front
La vraie guerre quand même
Par des héros sans nom,
A l’âge des « je t’aime ».

Ils ont dormi longtemps, ces maux de l’Algérie,
Comme un bruit défendu, un flot que l’on charrie.
Nous étions jeunes alors, nous étions au printemps.
Notre automne est venu : de parler il est temps.

Un siècle avait coulé où nous étions les maîtres,
Ce jour de la Toussaint vint secouer nos êtres.
O le déchirement du bateau qui partait !
Entre le ciel et l’eau l’inconnu s’apprêtait.

Au-delà des ses peurs chacun a trouvé place
Et les coeurs ont battu et vieilli les audaces.
Le premier blessé, le sang qu’on a frôlé,
Les retours de nos morts, les cris des rappelés !

Si l’on fait le bon cidre en broyant tant de pommes,
Quel fut le résultat... en broyant tous ces hommes ?
Les rires ou colères ont-ils vu augmenter,
Avec notre amitié, la part d’humanité ?

Tandis que cheminaient nos consciences et l’Histoire,
Dans la brume de guerre, s’emplissaient nos mémoires.
Puis nous avons connu, au milieu des périls,
Le non des transistors aux félons de l’Avril.

Vint un signe de l’eau : Evian, pour le silence,
Pour des soupirs de mère et le retour en France.
Certains ont cru ce jour aube de libertés
mais il menait encor à d’autres cruautés.

Autre guerre sans front
Mais la guerre quand même -
par des ombres sans nom
A l’âge des « je t’aime ».

 Maxime Becque, (2 000) Ancien d’Algérie


Pourquoi voyons-nous tant d’injustices et misères ?
Sur tous les continents des gens souffrent sur terre.
Chacun trouve mille raisons d’avoir raison
Car l’humain n’aime pas se remettre en question.
Sa fierté accepte mal les remises en cause
Malgré son savoir et les moyens dont il dispose.
Tares et mille boulets le freinent en son essor
Depuis la nuit des temps, il est frêle et se croit si fort !



Nuit algérienne
La guerre faisait rage en terre algérienne,
Le djebel hostile dressait ses cimes nues,
La lune dans le ciel immobile et sereine,
Eclairait le désert de sa lumière crue,
Que coiffaient çà et là quelques rares palmiers,
Les armes des soldats, vigilance opportune,
Rappelaient les dangers à ne pas oublier !
Soudain la palmeraie, oasis de quiétude,
Résonna sèchement de rafales multiples,
d’une soirée troublée véritable prélude,
Des rebelles hardis nous avaient pris pour cible !
L’ambiance changea presque instantanément,
Les balles à présent sifflaient à nos oreilles,
Subirions-nous l’assaut qui semblait imminent,
Que chacun redoutait après des nuits de veille ?
L’alerte fut rapide et la réponse franche,
Des éclairs maintenant jaillissaient du fortin,
Semant la confusion, là-bas, entre les branches,
Et peut être la Mort, nous le saurions demain ?
Le ciel s’illumina de fusées éclairantes,
Causant à l’ennemi un désarroi certain ;
Elles montraient pour moi lenteur désespérante,
Avant de disparaître, ailleurs, dans le lointain !
Pour un temps plus de tirs, plus de coups menaçants,
Un silence imprévu autant qu’inexplicable,
Questionnement soudain, sans réponse, agaçant
Ennemis disparus ou desseins insondables ?
Pas plus tôt le fortin plongé dans la pénombre,
Un feu nourri reprit presque immédiatement,
Des rebelles tapis nous ignorions le nombre,
Nos soldats faisaient front très courageusement !
Je connus un moment de rare indécision,
Mesurant d’un seul coup dangers environnants,
Dans mon esprit troublé désordre et confusion,
Quand le présent requiert des ordres pertinents !
Fallait-il regagner les postes de combat,
Entourant la mechta pour plus de protection,
Ou rester dans nos murs, impérieux débat,
Subir possible assaut, lourde interrogation ?
Mon adjoint, vieux briscard rescapé d’Indochine,
Me tira, Dieu merci, de ce grand embarras ;
Nous resterions sur place et sans courber l’échine,
Ensemble et bien groupés poursuivrions le combat !
Quand le silence vint après de longs échanges,
Quand le désert reprit son aspect fascinant,
Mes hommes dont je veux chanter haut les louanges,
Retrouvèrent sang froid et calme impressionnant !
Seul je m’interrogeai sur la folie des hommes,
Sur la Guerre stupide et sur tous ses méfaits,
Elle qui de malheurs n’est jamais économe,
Aurai-je assez de voix pour mieux la dénoncer ?

Sous-lieutenant Durando René ;
Aïn Bou Zenad, le 30 septembre 1960.
 
 
 

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