« Militaires français prisonniers du FLN : revenus ou disparus en Algérie »


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Introduction 

Parmi les séquelles de la Guerre d’Algérie, la Mémoire ne doit pas écarter les « oubliés de l’Histoire »: des ex-prisonniers du FLN sont encore là pour témoigner. Des familles pleurent toujours leurs disparus, happés par la machine de guerre. Elles ont du mal à faire leur deuil par méconnaissance des faits et de l’absence d’un lieu de recueillement.

Bien des mystères planent encore sur cette guerre d’Algérie. Christophe Wéber dans son film « Disparus en Mission », parle des disparus des Abdellys, et de quelques autres dont Raymond Bouchemal. Il a le mérite d’ouvrir cette douloureuse page de l’Histoire, et de nous dévoiler une partie de la face cachée de la réalité. Les faits sont gommés par la politique et souvent ignorés par le public. Osons une approche beaucoup plus globale. Les nouvelles générations ont le droit de savoir. Notre génération, celle du djebel, a le devoir d’apporter leur connaissance pour rendre un ultime hommage aux camarades qui ont laissé leur jeunesse, (avec tous leurs espoirs ou projets), et leur vie quelque part, là-bas, en AFN. La plupart n’ont pas eu de sépulture et les familles n’ont pas un endroit pour se recueillir. Ils sont « disparus », c'est-à-dire ils ne sont nulle part, sinon dans le néant, ils se sont volatilisés !!!

D’abord, il y a une histoire commune entre la France et l’Algérie. Il est temps de quitter le stade animal cannibalesque pour franchir le pas de la réflexion comme le disait à son époque Teilhard de Chardin, arriver à l’intelligence et à la sagesse pour entreprendre une réflexion commune et objective sur ce passé commun. Certaines personnes veulent, d’un trait de plume effacer le passé, tourner la page à toute une trame historique où se mêlent relations humaines et patrimoine. Il faudra bien que nous arrivions un jour, Français et Algériens, à reconnaître et à saluer, ensemble les morts causés de part et d’autre par ce conflit. Le travail de mémoire s’avère difficile car le souvenir reste brûlant et douloureux. « La haine n’a jamais rien créé[1] ». Nous pouvons retenir que « le sang des martyres coule encore au cœur de l’aubier des oliviers ou que le feu de l’enfer algérien duquel nous nous sommes évadés brûle encore ». Mais, je suis convaincu que ce travail de Mémoire est indispensable, si nous voulons engager un véritable processus de réconciliation et de coopération. La passivité n’est pas la dynamique que nous attendons de nos hommes politiques.

L’ignorance des circonstances et des lieux de décès, puis le non retour des restes dans la sépulture familiale, empêche, où prolonge, le temps de deuil des familles. Il ne s’agit pas de toujours différer le problème. Il faudra bien un jour regarder courageusement cette réalité de face et non pratiquer la politique de l’Autruche.

Il est nécessaire d’analyser l’histoire, d’observer les faits dans leur complexité, d’ouvrir nos archives, de procéder à des enquêtes, de recueillir des témoignages, de lancer des programmes de recherches de part et d’autre de la Méditerranée qui alimenteront ensuite nos manuels scolaires, pour nos enfants, la mémoire et l’Histoire.

Après ma trilogie sur la guerre d’Algérie qui parle du vécu des appelés, rappelés et des militaires qui se situaient sur le terrain avec « La vie de soldats bretons dans la guerre d’Algérie », « Soldats dans la guerre d’Algérie, (épuisé)» et « Notre guerre et notre vécu dans la guerre d’Algérie » voici « Prisonniers du FLN, ou disparus en Algérie ». La trilogie faisait déjà un intéressant tour d’horizon en tenant compte de trois dimensions : le temps (1954-1962, même un peu plus large) ; l’espace : tout le territoire algérien ; et divers régiments. D’autres témoignages auraient bien pu y figurer, mais il faut, me semble-t-il, savoir mettre un terme à un travail de recherche. Jusqu’à présent 300 témoins collaborent à ces études et bien d’autres m’en ont depuis parlé et auraient également accepté de témoigner.

C’est en nous confrontant ensemble, en toute sérénité, sans animosité, à ce passé que nous pourrons établir des relations apaisées, confiantes, amicales. Vouloir tout camoufler, n’est pas à l’honneur de nos gouvernants d’un côté comme de l’autre de la Méditerranée, N’ajoutons pas d’huile sur le feu, n’agitons pas je ne sais quel spectre, pour se maintenir au pouvoir, mettons notre intelligence au service d’une saine coopération et de la paix.

Les difficultés rencontrées dans cette recherche sont de divers ordres ; d’abord l’écriture des noms, parfois mal transcrits, arrive à donner des doutes sur les patronymes (des homonymes ?) Les dates différentes de disparition pour un même nom, n’ont pas facilité l’étude. Il existe encore des lacunes et, malgré toutes les précautions, il peut rester des erreurs. Des noms s’y trouvent sans savoir s’il s’agit d’un civil ou d’un militaire, s’agit-il d’un soldat tué lors d’un combat, ou même fut-il vraiment prisonnier du FLN ? Il reste des doutes. Parfois nous avons la connaissance d’un nom, des circonstances de la disparition, mais nous ne savons pas à quel régiment il appartient, d’autant plus que certains d’entre nous sont passés dans plusieurs unités militaires.

Des noms de maghrébins figurent aussi sur les listes des prisonniers et disparus, qu’ils soient Français ou Algériens, s’agit-il d’appelés du contingent qui faisaient leur service militaire, (ils étaient tous français à l’époque), ou s’agit-il de supplétifs de SAS, ou intégrés dans une compagnie, un escadron, pour les services qu’ils pouvaient rendre à l’Armée française ? Des supplétifs, pris par le FLN, ont pu poursuivre leur combat dans l’ALN.

Certains se sont évadés, d’autres ont été libérés ou échangés. Depuis leur retour sur le sol français, le nombre de ces survivants se réduit, et je n’ai pas toute l’information souhaitée pour le préciser. Il n’est pas aisé de démêler les prisonniers, car comme déjà signalé, ils sont tous dans les disparus, mais tous les disparus ne sont pas des prisonniers.

Dans un premier temps nous nous intéresserons aux prisonniers du FLN, ceux qui, malgré toutes leurs souffrances, ont tout de même eu la chance de revenir. Ils sont marqués d’une trace indélébile et ils attendent encore une certaine reconnaissance. Ils ont fait plus que leur devoir et espèrent, souvent en vain, une reconnaissance de l’Etat français.

Il est ici réalisé plusieurs études : les prisonniers revenus, les corps retrouvés et les prisonniers disparus. Pour chacune il y aura quatre regards. Le chapitre chronologique forme le pivot de chaque recherche. Les trois angles : par département; par régiment ; ou l’ordre alphabétique, constituent trois autres formes d’approche d’une même réalité pour répondre aux préférences des uns et des autres. Ces textes sont présentés sous forme de listes, afin que chacun trouve l’angle souhaité pour sa recherche.

Nous trouverons également en fin de l’ouvrage des pièces officielles qui attestent que ces personnes ont bel et bien existé, qu’elles ont été appelées à servir en AFN, surtout en Algérie, et qui sont disparues. Ces références seront données par les extraits d’actes de naissance[2] et les transcriptions de jugements déclaratifs de décès rendus par un Tribunal de Grande Instance.

Il convient d’orienter les investigations vers le lieu du dernier domicile des intéressés où, conformément à l’article 91, alinéa 1er, du Code civil, sont opérées les transcriptions de ces décisions judiciaires. Mais les notes marginales donnent également des renseignements intéressants, dont « Mort pour la France ».

[1] Dantès Bellegarde, écrivain haïtien, (1877-1966)

[2]  Hors de la famille, l’acte de naissance intégral, avec la filiation, n’est pas disponible avant un délai de cent ans, mais l’extrait simplifié est libre, comme les actes de décès, à toute personne faisant une demande justifiée.





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