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Témoignage de la femme d'un disparu en Algérie


Lieutenant Raymond Bouchemal






(Ce témoignage n'est pas extrait du livre)

Des appelés peuvent se poser la question pourquoi s'acharner à n'éclaircir que la situation d'un seul disparu qui de plus est un militaire de carrière alors qu'il y a des centaines de disparus !
Cela peut paraître surprenant de voir un appelé contribuer à éclaircir le cas Bouchemal, mais l'Armée, encore dite la Grande Muette, peut contribuer plus facilement à clarifier la situation d'un membre de leur grande famille et si nous arrivons à ouvrir une porte les autres cas suivront peut être.

Ces corps de disparus pourront-ils un jour reposer en France et qu'ils aient une sépulture afin de permettre à leur famille de se recueillir sur leur tombe ?

" Quant aux recherches concernant mon mari : rien de nouveau, si ce n'est que la réponse donnée par le Ministère de la Défense et du Ministère des Affaires Etrangères, ne correspondent en rien avec les renseignements que m'avait donné son commandant à l'époque des faits. Où est la vérité ? De toutes façons, je persévère et n'abandonne pas. " . Extrait d'un courrier de Madame Bouchemal, juillet 2000.
 

(d'après Mme Odette Bouchemal, le 25 février 2000)
Mon mari, le Lieutenant Raymond Bouchemal, officier des affaires algériennes, chef de la S.A.S. de Tassala (Nord Constantinois) nommé capitaine le 1er juillet 1958, non à titre posthume, a été fait prisonnier par le F.L.N. au cours d'une opération de contrôle dans ce secteur, en lisière de la forêt des Arres, le 05 juin 1958. J'en ai été informée par lettre de son Commandant à la date du 25 juin 1958.
Depuis ce jour, je n'ai plus reçu aucune nouvelle, ni aucune information certaine le concernant.

Cependant, d'après les renseignements recueillis sur place par son Commandant :

Lettre du 27 juillet 1958 :  mon mari a été aperçu, à deux reprises, au moment où il se rendait avec d'autres prisonniers français, à une corvée d'eau, à une source située, tout près, de leur lieu de d'incarcération.

Lettre du 26 août 1958 : Mon mari aurait été transféré dans la région d'El-Milia (vraisemblablement au P.C. des Beni-Sbihi), au nord-est de Mila.

Lettre du 06 avril 1959:  " Mon mari aurait été vu dans une mechta des Ouled-Askeur à une quinzaine de kilomètres, à vol d'oiseau, de Tassala. "

Le 29 décembre 1960.: Je reçus une dernière lettre du commandant annonçant les deux hypothèses ci-dessous évoquées, sans aucune garantie :
1)  Mon mari aurait quitté la région des Ouled-Askeur où il était resté captif, vraisemblablement jusqu'en avril 1959, pour être dirigé à deux reprises vers la frontière tunisienne qu'il n'aurait pu franchir à cette époque.
2)  L'Ambassade de France, en Tunisie, aurait signalé la présence de mon mari dans un camp du F.L.N. dans ce pays.

Dans ces conditions, mon mari n'ayant pas donné de ses nouvelles et n'ayant pas été remis aux autorités françaises, conformément aux accords d'Evian, a été porté disparu et déclaré décédé le 05 juin 1958, par un jugement rendu le 18 avril 1963 par le Tribunal de Grande Instance de Troyes (lieu de sa domiciliation), suite à la procédure de déclaration judiciaire de son décès.

Le Ministère des Armées donnait des indications rédigées au conditionnel, sur le décès probable de mon mari en captivité et, selon ces indications, il aurait été jugé par un Tribunal du F.L.N. et exécuté. Par cette même lettre, suite à une demande écrite de ma part, il m'a été répondu que la réglementation en vigueur n'autorise pas à communiquer une photocopie des documents d'après lesquels a été rendu le jugement déclaratif du décès de votre mari, le capitaine Raymond Bouchemal.
Du même Ministère, une autre lettre en date du 31 décembre 1963 laisse supposer que le décès de mon mari serait survenu entre avril et juin 1959.         Par lettre en date du 2 mars 2000, vous avez demandé au ministre de la Défense de bien vouloir fournir au ministre des Affaires étrangères tous les renseignements et informations qui pourraient aider à la recherche du corps de votre mari porté disparu en juin 1958 et déclaré décédé le 5 juin 1958 par le jugement du 18 avril 1963.
        A la réception de ce courrier, une enquête a été lancée auprès des services historiques de la défense afin de recueillir toutes les informations possibles sur les circonstances de la disparition et de l'exécution du capitaine Bouchemal, officier des affaires algériennes, chef de la S.A.S. de Tassala (Nord-Constantinois)
Votre mari a été enlevé par les rebelles le 5 juin 1958 alors qu'il effectuait une opération de contrôle dans ce secteurs aux abords de la forêt des Arres (Nord de Rouached). Il a été ensuite emmené au Marquez de " Si Turki " en compagnie d'autres mokhaznis capturés et aurait été plusieurs fois déplacé avant d'être exécuté.
        De nombreux témoignages concordants et une annonce sur Radio Tunis de l'émission " La voie de l'Algérie Arabe " le 28 juillet à 20 heures ont fait état de l'exécution du capitaine Bouchemal, qui aurait été jugé par un tribunal rebelle et condamné à mort.
        De l'enquête conduite au sein du Ministère et des pièces composant le dossier, aucune information ne donne d'éclaircissement sur les conditions et le lieu d'inhumation de cet officier.
  Il se confirme que votre époux a bien été capturé par les rebelles le 5 juin 1958, à 10 km au nord de Rouached, près de Mila. A la lecture d'extraits du compte rendu d'activités relatées par le sous-chef Charles Clair pour la semaine du 8 au 15 juin, on relève que le lieutenant Bouchemal aurait été gardé en compagnie de mokhzanis également faits prisonniers au Marquez de " Si Turki ", où les habitants du douar les auraient aperçus. D'après les renseignements fournis par un informateur non identifié, les HLL auraient songé à un éventuel échange entre le Lt Bouchemal et Si Nouar un des leurs fait prisonnier dans les Arres au début 1957. Mais rapidement de la mechta Souasta, votre mari serait reparti en direction de Bou Daoud, et il aurait été vu fortement escorté en route pour El Milia. Les rebelles auraient fait savoir leur intention de le juger car il aurait été trouvé en possession d'une liste de 150 de leurs partisans. Un renseignement de source protégée en date du 24 juillet permet d'affirmer que cet officier a été jugé et exécuté par les rebelles de la wilaya 2 dans la région d'El Milia. Cette exécution avait par ailleurs été annoncées au cours d'une émission en langue arabe de radio-Tunis le 28 juillet 1958 et a été également confirmée par les déclarations de prisonniers français libérés par les rebelles en juin 1959. En revanche, il n'a pas été possible de recueillir d'information sur les conditions et le lieu de son inhumation.

Les militaires français prisonniers et morts en captivité, ne furent pas toujours traités avec humanité comme le prévoit la convention de Genève pour les prisonniers de guerre. Ces prisonniers, dont on ne parle pas, n'ont-ils pas droit à un devoir de mémoire de la part de la France ? Car, depuis plus de 40 ans, on semble bien les avoir oubliés ! Pourquoi les ignorer ?
 

1) Comment se fait-il qu'il soit nommé Capitaine, à titre non-posthume, le premier juillet 1958, alors que pour le Tribunal de Grande Instance de Troyes et le Ministère de la Défense nationale, selon le jugement du 18 avril 1963 donnent le 5 juin 1958 comme date de son décès ?

2) Comment se pourrait-il que le Lieutenant R Bouchemal ait été aperçu et à deux reprises le 27 juillet 1958, puis, à nouveau le 26 août 1958 et encore le 06 avril 1959 à une quinzaine de km de TASSALA (mechta des Ouled Askeur dans le Nord-Constantinois), alors qu'un renseignement de source protégée, en date du 24 juillet, (année non précisée, et selon la lettre du Ministère des Affaires étrangères du 31 mai 2000 permet d'affirmer que cet officier a été jugé et exécuté par un tribunal rebelle de la wilaya 2 dans la région d'El Milia ? Par ailleurs, Radio-Tunis, le 28 juillet 1958, fait état de la condamnation à mort et de l'exécution du capitaine Bouchemal? (lettre du 18 mai 2000 du Ministère de la Défense nationale )

3)  Pourquoi ces différences de date de décès entre les divers ministères ou services de l'Etat ? Ce qui nous paraît le plus probable serait la thèse du Ministère des Armées qui situe sa date de décès entre avril et juin 1959.

4) Pourquoi le grand public n'aurait-il pas connaissance de la liste de tous les prisonniers du FLN et ceux qui sont revenus soit libérés par le FLN ou par évasion ? Quels sont, par exemple, ces prisonniers libérés au mois de juin 1959 et qui confirment le décès du Capitaine Bouchemal ?

Les épouses et familles des prisonniers disparus voudraient au moins savoir où les corps ont été déposés afin de ramener leurs restes dans la tombe familiale. Ce n'est qu'à cette condition qu'un véritable deuil est possible.
 
 
 
 

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